Blogue

Tu souhaites faire du Québec un meilleur endroit pour les familles? Joins-toi à notre équipe!

Envie d'en apprendre davantage sur la conciliation famille-travail et ses sujets connexes? Bonnes pratiques, astuces, entrevues d'experts: notre expertise et celle de nos partenaires sont là pour vous outiller dans votre démarche!

Découvrez également nos articles sur Pratiques RH de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Formaliser et donner l’exemple : terreau fertile pour diminuer le conflit travail-famille

Auteure : Prisca Benoit, étudiante au doctorat en études des populations à l’INRS-UCS et agente de recherche pour le Réseau pour un Québec famille

On parle de conflit travail-famille lorsque les exigences liées au rôle familial et au rôle d’employé(e) sont incompatibles, ce qui provoque des interférences entre les deux sphères (Greenhaus et Beutell, 1985). La famille n’est pas la seule à pâtir du conflit qui s’installe chez un(e) employé(e) et les employeurs ont tout intérêt à s’y attarder. En effet, les facteurs ayant le plus grand impact sur le conflit travail-famille sont ceux liés au travail, bien avant les caractéristiques sociodémographiques ou familiales (Byron, 2005). De plus, le conflit travail-famille est associé à une augmentation du stress au travail, de l’épuisement professionnel, de la détresse psychologique et des intentions de quitter son travail ainsi qu’à une diminution de la satisfaction et de la productivité au travail (Li, She & Dong, 2021). De quoi se rappeler que le conflit travail-famille, c’est l’affaire de tous! 

FAMILLE-TRAVAIL ou TRAVAIL-FAMILLE ?
 

Lorsqu'on parle de conciliation FAMILLE-travail, dans la recherche de cet équilibre, la famille est prioritaire. Donc, la famille aura un impact sur le travail.

Dans cet article, on parle de conflit TRAVAIL-famille car c'est le travail qui interfère avec la famille et non le contraire.


Comment s’y prend-on? 

En 2022, le Réseau pour un Québec Famille/Concilivi a mesuré quels ont été les effets de la pandémie sur le conflit ressenti entre la famille et le travail chez les travailleur(-euse)s. Dans un sondage auprès de 3108 employé(e)s parents d’enfants de moins de 18 ans ou proches aidants, quatre questions mesurant différentes facettes du conflit ont été posées. 

Veuillez indiquer votre degré d’accord avec les énoncés suivants. Depuis le début de la pandémie... 

1) les exigences liées à mon travail font qu’il est de plus en plus difficile d’assumer mes responsabilités familiales. 

2) je dois de plus en plus souvent modifier mes projets/activités familiales en raison de l’intensification des exigences liées à mon travail. 

3) je suis de plus en plus souvent trop fatigué pour participer à des activités/responsabilités familiales lorsque je reviens du travail. 

4) je suis si vidé émotionnellement lorsque je reviens du travail que je ne peux participer aux activités/responsabilités familiales. 

 

Formaliser ses mesures de CFT : un bon point de départ 

Est-ce que ça vaut la peine d’implanter des mesures formelles de conciliation entre la famille et de travail? Si l’objectif est de minimiser le conflit travail-famille, il semblerait que oui!  

Parmi l’échantillon, la moitié des employé(e)s bénéficient de mesures formelles, tandis que moins de 30% ont accès uniquement à des mesures informelles et qu’un peu plus de 20% disposent d’une combinaison des deux. Or, ceux dont les mesures sont uniquement informelles rapportent un niveau de conflit plus élevé que leurs homologues aux mesures formelles. Leur niveau de conflit est d’environ 8% plus élevé que leurs homologues, une différence statistiquement significative1.  

Le conflit augmente également de façon significative, toutefois moins prononcée, pour les répondant(e)s syndiqué(e)s (vs les non-syndiqué(e)s) (+4,3%) ainsi que chez ceux et celles œuvrant dans les milieux à prédominance féminine (+3,8%) comparativement à ceux d’un milieu neutre. 

Pourquoi la formalité des mesures de CFT engendre-t-elle moins de conflits? On peut penser qu’une charte de CFT nomme l’engagement haut et fort de la direction envers la conciliation, ce qui peut diminuer la culpabilité et les stigmas entourant l’utilisation de mesures de CFT et ainsi minimiser le conflit travail-famille. Lorsqu’elle est communiquée et publicisée au sein d’une organisation, la charte fait également connaître les mesures disponibles, ce qui donne plus de marge de manœuvre aux employé(e)s. Mais la formalisation est loin d’être la seule solution : le terrain doit aussi être propice à l’implantation d’une telle politique. 

Mettre en place les conditions favorables pour diminuer le conflit 

Les meilleures mesures de CFT formalisées auront peu d’impact si la culture organisationnelle n’est pas prête à les accueillir. Bonne nouvelle : environ 80% des employé(e)s jugent que leur employeur est plutôt ou très favorable aux mesures de CFT. La majorité juge également qu’ils ou elles ont le soutien de leur supérieur immédiat (80,7%) ou de leurs collègues (86,7%) lors de leur demande de congé ou d’aménagement en lien avec la CFT.  

Le score de conflit travail-famille diminue de façon statistiquement significative de 9,4% pour les employé(e)s qui estiment leur employeur plutôt ou très favorable aux mesures de conciliation famille-travail. Suit ensuite le soutien des collègues qui diminuent le conflit de 4,2% en comparaison à ceux et celles n’ayant pas ce soutien.  

Le soutien du supérieur immédiat diminue aussi le conflit travail-famille, mais cet effet semble indirectement lié à la suffisance des mesures de CFT. Qu’est-ce que cela signifie? Ceux et celles qui jugent que les mesures de CFT sont suffisantes ont plus souvent une bonne relation avec leur supérieur immédiat (et vice versa). Or, juger que les mesures de CFT sont suffisantes diminue aussi le conflit travail-famille, ce qui explique une partie de la relation entre le soutien du supérieur et le conflit travail-famille.  

Pourquoi une culture organisationnelle favorable à la CFT diminue-t-elle le conflit travail-famille? Les organisations prônant une vision positive de la CFT ont davantage sensibilisé les gestionnaires et les employé(e)s aux différentes réalités familiales et ont déconstruit les préjugés. Ce faisant, et en se montrant ouvertes et flexibles, ces organisations anticipent probablement plus facilement les besoins de leur équipe en matière de CFT, limitant l’apparition de conflits pour les employé(e)s. Ces dernier(ère)s sont probablement à leur tour plus à l’aise d’utiliser les mesures de CFT endossées par leur supérieur immédiat et la direction.  

Les autres variables qui sont liées au conflit 

L‘âge 

D’autres facteurs influencent le niveau de conflit chez les employé(e)s, à commencer par l’âge. On observe que le conflit diminue à chaque tranche d’âge par comparaison aux 18-24 ans, allant de 13,4% de moins pour les 25-34 ans jusqu’à 25,4% de moins pour les 65 ans et plus. On peut penser que l’âge est lié à l’expérience sur le marché du travail. Moins l’employé(e) compte d’années sur le marché du travail, plus il ou elle risque de faire face à de la précarité d’emploi, ce qui augmente potentiellement le conflit travail-famille. L’expérience sur le marché du travail vient aussi généralement avec l’acquisition de ressources pour mieux faire face à la charge de travail, ce qui a un effet préventif sur le conflit travail-famille. 

Être né(e) à l’extérieur du Canada 

Les personnes nées à l’extérieur du Canada semblent elles aussi faire face à des défis qui leur sont propres. Ces dernières comptent pour tout près de 10% de l’échantillon. Même en tenant compte de leurs caractéristiques sociodémographiques, de leur accès à un réseau de soutien familial ou de la culture organisationnelle de leur employeur, leur niveau de conflit demeure 7% plus élevé que les personnes nées au Canada. Le soutien économique et émotionnel de proche à distance, la transmission de la culture aux enfants et, dans certains cas, la barrière de la langue peuvent augmenter la charge mentale et les obligations hors travail, ce qui affecte potentiellement le conflit. 

La proche aidance 

Les proches aidants qui s’occupent soit d’un proche soit d’un enfant à besoins particuliers ne sont pas en reste. Ils représentent un peu plus de la moitié de l’échantillon. Ces derniers rapportent un niveau de conflit 6,4% plus élevé que les parents sans responsabilités de proche aidance. On peut penser que l’accumulation des rôles de soins de la génération sandwich – soit celle qui s’occupe d’enfants et de parents vieillissants – accentue le sentiment de détresse liée à la conciliation entre vie familiale et professionnelle. De plus, comme les responsabilités sont moins prévisibles, les proches aidants sont peut-être plus enclins à penser que le travail empiète sur la famille.  

Revenu familial 

Notons finalement que le revenu familial est associé de façon statistiquement significative au niveau de conflit des employé(e)s : plus il augmente, plus le conflit diminue. Un revenu familial plus élevé permet sans doute d’accéder à des services et des ressources qui diminuent le poids des responsabilités familiales, facilitant la conciliation et diminuant le conflit. 

Que peuvent faire les employeurs face à ces réalités? En questionnant les employé(e)s face à leurs besoins et en écoutant leurs préoccupations, il est plus aisé pour les employeurs d’adopter des mesures de CFT cohérentes et adaptées aux réalités multiples de leur équipe de travail.  

Quelques limites à souligner 

Ce travail d’analyse comporte des limites. Notons tout d’abord que notre échantillon se concentre sur un segment de la population bien particulier, soit les employé(e)s qui sont parents d’au moins un enfant ou qui sont proches aidants. Celle-ci vit sûrement ces enjeux propres de conflit travail-famille qui empêche de généraliser les conclusions à l’ensemble de la société. Par ailleurs, certaines variables exerçant une influence potentielle sur le conflit travail-famille n’ont pas pu être mesurées, soit en raison d’effectifs trop restreints dans l’échantillon, comme la catégorie d’emploi ou le secteur d’activité, soit parce qu’elles n’ont pas été mesurées dans le sondage, comme le nombre d’heures travaillées, les exigences des tâches et la motivation des employé(e)s. Finalement, la question du conflit a été posée face au contexte de pandémie de la COVID-19. Il faut donc user de prudence avant d’extrapoler les résultats au conflit travail-famille de façon plus globale. 

Faire partie de la solution 

Les employeurs peuvent contribuer au bien-être de leurs employé(e)s en s’attaquant à ce qui stimule le conflit travail-famille. Une charte sur la CFT permet notamment de passer de mesures informelles à une formalisation des mesures de CFT. C’est d’autant plus bénéfique si cette démarche s’inscrit dans un examen de la culture organisationnelle sur les questions de CFT. Cette culture gagne à être insufflée par la direction et partagée parmi l’ensemble des gestionnaires et des employé(e)s. La consultation des besoins des employé(e)s en amont, puis la diffusion répétée des mesures par la suite, aide à minimiser les conflits travail-famille auprès des employé(e)s.  


Conseils :  

  • Réfléchir à sa propre culture organisationnelle en matière de conciliation famille-travail 
  • Évaluer les besoins des employé(e)s pour développer des mesures en adéquation avec leurs besoins 
  • Se mettre en mode solution pour les employés aux besoins de CFT


Faits saillants : 

  • Le conflit travail-famille survient lorsque les responsabilités familiales et d’employé(e)s sont incompatibles. En 2022, Concilivi a mesuré le sentiment de conflit travail-famille en regard à la pandémie de la COVID-19. 
  • Les employé(e)s qui ont accès à des mesures de conciliation famille-travail formalisées, comme avec une charte de CFT, rapportent moins de conflits que leurs homologues qui ont seulement accès à des mesures informelles. 
  • La favorabilité de l’employeur à la CFT, le soutien des collègues et, indirectement, le soutien du supérieur immédiat diminuent le conflit travail-famille rapporté par les employé(e)s. 
  • Certaines caractéristiques comme l’âge, le lieu de naissance, la proche aidance et le revenu familial ont une incidence sur le conflit travail-famille rapporté par les employé(e)s.  

Nous avons créé un index évaluant le conflit travail-famille en calculant la moyenne des quatre réponses de chaque répondant(e). Le score se situe entre 1 et 4 et plus le score est bas, moins les individus rapportent de conflits. Nous avons ensuite cherché à comprendre de quelle façon les variables sociodémographiques, sur le profil familial, sur la culture organisationnelle, sur le profil des organisations et sur les mesures de conciliation famille-travail influencent la perception de conflit travail-famille. En excluant les réponses manquantes, notre échantillon final compte 1898 répondant(e)s. Le constat? La formalisation des mesures de conciliation famille-travail et une culture organisationnelle pro-CFT ont des impacts positifs sur la diminution du conflit.

Bibliographie:  

Byron, K. (2005). «A Meta-Analytic Review of Work-Family Conflict and its Antecedents». Journal of Vocational Behavior, 67, 169-198. 

Concilivi, Conseil de gestion de l'assurance parentale, Regroupement pour la Valorisation de la Paternité (2022, juin). Sondage auprès des travailleurs du Québec, Réseau pour un Québec Famille. 

Greenhaus, J. H. et Beutell, N. J. (1985). «Sources of conflict between work and family roles». The academy of management review, 10(1), 76-88.  

Li N., Jinkeng S. et Dong, S. (2021). «The Impact of Work-to-Family Conflict on Work Domain: A Meta-Analysis», Journal of Advanced Management Science, 9(2). 32-37. 

Retour au répertoire