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Entrevue d'expert-Cindy Lamontagne-Neurodiversité

Cindy Lamontagne est une Happy-Cultrice atypique TDAH, douancieuse, et aussi la joyeuse directrice des ressources humaines au sein de la firme d'Arpenteurs-Géomètres Labre & Associés dans la grande région Métropolitaine. Elle influence des milieux de travail INCLUSIFS mais aussi Happy par le biais de conférences, de sensibilisation web et de formations sporadiques offertes en collaborations.

Pour toi, c'est quoi la CFT?

C’est le fait de contribuer à aider les employés à trouver un équilibre dans la vie quotidienne, de donner de la flexibilité aux gens pour respecter leur cycle circadien, par exemple, lorsque c’est possible et de pouvoir mieux concilier les responsabilités familiales (encore plus depuis la pandémie !) et les responsabilités professionnelles. C’est aussi contribuer à cesser de propager la culture de l’hyper performance mais de mieux partager celle de la performance saine où la relation de confiance et de compétences entre l’employé et l’employeur est à son point maximal. 

Tout d'abord, commençons par la base : qu'est-ce que la neurodiversité et pourquoi c'est essentiel d'en parler sur le marché du travail ?

La neurodiversité, on la voit peu ou pas, concrètement. On la ressent, on la constate, mais elle est encore largement méconnue. Elle implique des réactions, des comportements, des rigidités mais aussi de grandes forces souvent présentes en plus grande concentration chez les gens neuroatypiques. En fait, cela ne s’arrête pas JUSTE aux employés neuroatypiques mais aussi bien aux employés qui sont parents d’enfants neuroatypiques. Le système scolaire s’adapte de plus en plus aux neurodivergences, mais le milieu du travail est encore pas mal en retard. On comprend mal ce qu’est la neurodiversité, on en a encore peur parfois, legs de préjugés gros comme les bras d’Arnold Schwarzenegger. Cela dit, une fois qu’on connait mieux et qu’on sait comment l’aborder dans la vie de tous les jours, ça simplifie la vie incroyablement. Et cela donne lieu à des explosions de potentiel magnifique qui n’auraient pu éclore dans un milieu carré et intolérant à la neurodiversité. 

On entend plus souvent fréquemment parler de TDAH, douance, etc. chez les enfants. Est-ce que c'est tabou ou moins accepté chez les adultes ? 

Ahhh bah bien sûr!! Le TDAH, comme l’autisme, fait peur, mais il s’agit surtout d’une grande méconnaissance. Souvent, les adultes composant avec le TDA(H) ou l’autisme ont appris à fonctionner avec de forts mécanismes de palliations car l’acceptation ou l’inclusion n’étaient pas ce que c’est aujourd’hui. Le p’tit Tdah, c’était le p’tit chenapan de la classe. L’énervé. Mais c’est si faux. Oui, le H confère une énergie et une difficulté à se concentrer plus grande que les gens neurotypiques. Ok…so what? L’humain a survécu à des millénaires par l’adaptation, on arrête ça là, quoi? Le petit chenapan du primaire est rendu un adulte, mais cette même personne a des forces incroyables que parfois on relègue aux oubliettes car on ne pense pas de les laisser éclore si on lui a toujours demandé de se conformer dans une petite boîte beige qui le rendra infiniment malheureux.  Et encore je ne te parle pas des femmes TDAH, comme moi entre autres, qui a vu son TDAH masqué par la douance toute sa vie mais qui en vieillissant fait partie de la portion où cela prend de plus en plus de place. Et parlons-en, de la douance. Encore méconnue, encore très empreinte de jugement. « Ils se pensent meilleurs que les autres ». Non, du tout. En fait, à priori énormément de « douancieux.ses », comme j’aime nous surnommer, ont un énorme syndrome de l’imposteur. Nous ne sommes pas des génies au sens propre du terme. Nous sommes simplement configurés d’une façon différente, nous avons un cerveau hyperactif, en quelque sorte, mais cela vient aussi avec ses défis et ses belles forces. Au final, chaque humain, qu’il soit neurotypique ou neuroatypique possède une myriade de forces qui lui sont propres. Nous devons surtout cesser de croire que les troubles caractérisent les gens et les «rentrent»dans une case qui les rends «moins adéquats». C’est archi-faux. Il faut simplement mieux comprendre comment nos cerveaux fonctionnent et trouver l’adaptateur qui fonctionne avec le milieu du travail pour arriver à une communication et une synergie optimale. 

Est-ce que certaines conditions demandent des soins particuliers ou des suivis réguliers avec des professionnels de la santé ? Si on pense à un travailleur avec un enfant ou un proche à charge qui est neuroatypique et doit concilier travail et soins, ou qui est lui-même neuroatypique par exemple, doit-on anticiper plus de besoins en flexibilité pour ceux-ci?

Yup ! Des professionnels de la santé sont souvent suggérés pour enseigner aux gens neuroatypiques les prédispositions auxquelles ils peuvent faire face au quotidien et les aider à mieux les gérer, mieux s’exprimer et mieux communiquer leurs besoins. Être neuroatypique, c’est souvent faire des choses ou avoir des réactions parfois incompréhensibles pour une grande portion de gens. À la base, je conseille souvent de consulter un neuropsychologue spécialisé en neurodiversité pour bien comprendre et s’assurer que toutes les nuances soient perçues et bien comprises pour bien enseigner à la personne qui les vit les meilleurs outils pour se comprendre, communiquer et se faciliter la vie. Pour l’employé neuroatypique, ou qui est parent ou proche aidant d’une personne neuroatypique, la flexibilité est la clé. L’ouverture d’esprit, la bienveillance, la communication et le leadership de la direction viendront donner le ton. Comme je mentionne toujours, l’inclusion de la neurodiversité et des défis qui peuvent se présenter n’est pas axée sur le fait de permettre « plus » à ces employés. Au contraire, car exemple un casque pour les gens neuroatypiques hypersensibles au bruit pourrait TRÈS bien être une mesure accordée à un employé neurotypique souffrant d’acouphènes. Comme je dis toujours; les mesures sont égales et accessibles à tous: essaie-la, indique-moi comment pour toi elle est un avantage et c’est accordé.  


Quels sont tes conseils pour les gestionnaires qui souhaitent « réussir » la neuroinclusion dans leur organisation?

S’ouvrir l’esprit. Une grande peur en entreprise est que les employés neurotypiques y voient des préférences. Non, comme je mentionnais juste avant, le but est de rendre ces mesures accessibles à tous, neurotypique ou neuroatypique. Le but n’est pas de diviser mais bien d’unir dans le respect des différences de chacun. 

Une autre peur est que des gens abusent. In facto, c’est souvent tout le contraire qui se passe. Lorsqu’on crée une culture où nos gens n’ont pas peur de venir nous voir et nous présenter les défis auxquels ils font face, on crée une culture de confiance mutuelle. Il est certain qu’on ne pourra pas toujours dire oui à tout, mais en mode solution on trouve toujours une alternative, même lorsque le budget est limité. Souvent, rien de mieux que la personne en face de nous pour nous dire ce qu’elle a besoin. 

Ça peut prendre du temps surtout si on part de loin, mais je peux garantir que l’effort en vaut plus que la chandelle, c’est le rayon des chandelles au complet du IKEA qu’on gagne au final! 

Il faut se questionner, réviser, voire même changer nos méthodes d’approches, s’éduquer, comprendre et vouloir instaurer cette belle dynamique. Il faut aussi que les gestionnaires soient ouverts à la critique constructive et qu’ils soient réellement motivés à possiblement adapter leur style de gestion. L’inclusion pérènne de la neurodiversité est un élément important, de part pour toutes les forces qu’elle apporte, mais aussi car quand on ne le fait pas on se prive d’une main d’œuvre qualifiée, riche, immensément de valeur car on ne la lui reconnait pas à la hauteur de leur potentiel. C’est les entreprises qui y perdent, croyez-moi. 

Et un pan important de la CFT, c’est la flexibilité que l’inclusion de la neurodiversité requiert et c’est indissociable. Et c’est un grand, grand avantage à qui l’inclut dans sa culture.  

Quels sont les avantages à s'afficher en tant qu'entreprise ouverte aux personnes neuroatypiques? (Est-ce qu'elles doivent le mettre de l’avant ?)

On contribue au changement de la société et son inclusion, carrément. 

En s’affichant ouverte et entièrement inclusive à la neurodiversité, on sait que même si comme humain, on compose avec le TDA(H), l’autisme, la douance, les troubles DYS, le SGT, etc etc, que l’employeur saura se montrer ouvert et attentif à notre réalité et sera avec nous pour trouver des solutions à chaque défi. Notre différence n’entraînera pas automatiquement notre ostracisation voire même le renvoi car on ne rentre pas dans la case beige régulière. Il est certain que la neurodiversité n’est pas un prétexte à tout, les gestionnaires et les RH doivent être en mesure de faire la part des choses et mieux comprendre ce que c’est et avancer les discussions pour voir comment on peut avancer ensemble. L’employé de son côté se sentira aussi plus à l’aise de manifester ses besoins pour mieux fonctionner lorsqu’il constatera que l’employeur est réellement ouvert. 

Même au niveau de la rétention du personnel, quand on est bien, respectés, rémunérés à notre juste valeur, on est toujours plus porté à donner notre plein rendement du moment et moins porté à regarder si le gazon est plus vert ailleurs. Finalement, je dirais que les premières étapes sont de former les gestionnaires et les RH avant tout. Ce sont eux qui mettront la culture neuroinclusive de l’avant, qui feront la sensibilisation des autres employés. Ce sont eux les vecteurs de changement. Il faudra donc qu’ils soient convaincus et adéquatement formés pour comprendre et transmettre la bonne information. Ensuite vient l’incorporation des mesures accessibles à tous. Comme je disais, le but n’est pas de viser juste les gens neuroatypiques dans l’organisation mais bien de permettre à tous de bénéficier de mesures pouvant leur apporter un bénéfice mental ou physique leur permettant d’être mieux dans leur quotidien et intrinsèquement, contribuer à une meilleure productivité globale. Si des membres de la direction ou des RH sont parmi la communauté neurodiverse, le partager ouvertement peut aussi aider s’ils se sentent à l’aise de le faire, car si ces strates en comptent, les employés se sentiront souvent plus en confiance et moins craintifs d’exposer leur réalité. Cela peut donner lieu à de belles discussions, échanges de trucs, de sensibilisation et de compréhension entre tous. 

Au final, c’est vraiment win-win pour toute l’organisation !  
 

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