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Entrevue d'expert - Éthique - Manon Perreault


Auteur : Concilivi

À la tête de Perreault & Associés, Manon Perreault, CRHA, conseille et accompagne les gestionnaires et chefs d’entreprise de PME québécoises et d’OSBL dans leurs pratiques de gestion des ressources humaines. Elle concentre sa pratique professionnelle en prévention du harcèlement psychologique et en climats de travail sains. Elle rêve d’ailleurs que les organisations voient le harcèlement dans une perspective éthique plutôt que juridique. Outre sa formation en prévention du harcèlement, Manon donne aussi des formations en éthique ainsi qu’en gouvernance au sein des organismes sans but lucratif tout en les accompagnant dans la mise en place de cadres éthiques et de gouvernance. Comme elle ne trouvait pas d’équilibre entre le travail et la famille dans les entreprises pour lesquelles elle a travaillé, elle devient entrepreneure en 2003 afin de répondre à ce besoin. Aujourd’hui, entourée d’une équipe de 10 professionnelles, elle est fière d’avoir créé une organisation axée sur la conciliation famille-travail. Manon Perreault est également chargée de cours à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke où elle sensibilise de futurs dirigeants à l’importance de la gestion socialement responsable.  

Tout d’abord, qu’est-ce que la conciliation famille-travail (CFT) pour toi? 

Pour moi la conciliation famille travail c’est la capacité d’une personne à répondre à ses obligations personnelles, familiales et professionnelles sans avoir constamment une épée Damoclès au-dessus de sa tête, c’est-à-dire sans trop créer de stress et d’anxiété. La CFT est une obligation tripartite à parts égales entre le travailleur, l’organisation et la société. Pour être performante, une organisation doit tout d’abord avoir une équipe mobilisée vers sa mission. Des politiques en matière de CFT sont une bonne porte d’entrée vers la mobilisation et sont certainement favorables à la marque employeur. En contexte de pénurie de main-d’œuvre, c’est une valeur sure. Mais attention, il faut que les mesures soient appliquées. C’est aussi une responsabilité de l’employé qui doit s’organiser pour assurer son équilibre. Et enfin, en tant que société, nous devons tous valoriser la conciliation famille-travail et envoyer le message qu’une économie forte et durable passe nécessairement par cet équilibre.  

Pourquoi est-ce important de discuter d’éthique en entreprise quand on parle de CFT?   

La CFT réfère au besoin de garder notre société en équilibre, notamment par ses résultats économiques, mais aussi d’assurer la santé publique et la capacité de fonctionnement de nos institutions : écoles, garderies, hôpitaux, etc. Comme PDG et comme gestionnaire, nous ne pouvons pas demander à nos équipes d’être totalement concentrées sur les besoins de l’organisation. Nous oublions rapidement que nos employés ont des familles, des parents vieillissants, des enfants qui ont des besoins qui doivent être comblés, etc. De plus, nous parlons de plus en plus de bien-être au travail, d’une saine nutrition, de santé globale. Pour réaliser tout cela, il faut nécessairement bien doser toutes les sphères de notre vie.  

Comme société et comme organisation, est-ce que l’on souhaite qu’un parent manque la première journée de la maternelle de son enfant ou le spectacle de fin d’année au détriment de la performance de l’organisation ? Au contraire, si l’on offre cet équilibre, les employés seront davantage mobilisés et le sentiment d’appartenance augmentera. La performance d’une organisation ne passe pas que par la CFT, mais pour être une organisation socialement responsable, il faut prendre en compte les parties prenantes de l’entreprise. La CFT est un des axes à ne pas négliger.

Tu nous as mentionné l’éthique comme une conformité ou l’éthique appliquée, quelle est la meilleure approche selon toi? 

On parle d’éthique de conformité lorsqu’un individu se conforme aux règles et aux normes en vigueur. C’est ce qu’on attend minimalement d’une personne et assurément d’un professionnel qui est régi par un code de déontologie. Il le fait parce qu’il considère ses actions comme étant importantes. On peut aussi dire que nos décisions demeurent juridiques parce qu’on se conforme à une règle. L’éthique appliquée s’intéresse notamment à la réflexion face aux  valeurs et aux normes dans une situation donnée.  Ainsi, la réflexion ne part pas d’un article de loi ou de règles déontologiques, mais plutôt des conséquences éventuelles de l’action sur autrui, sur les parties prenantes. Il ne s’agit pas de ne pas prendre en considération les aspects légaux et déontologiques, mais bien des valeurs, du contexte et des conséquences probables. La réflexion et le dialogue deviennent le cœur de la délibération éthique.  

On ne peut se contenter de répondre « c’est la loi » à une situation problématique pour autrui. Dans certains cas, on pourrait conclure à un raccourci intellectuel car aucune réflexion n’est faite pour assurer que la solution soit la bonne. Dans mon métier, en gestion des ressources humaines, on a souvent des réponses spontanées parce qu’elles nous semblent évidentes. Mais force est de constater qu’après une délibération, on se rend compte que la décision aurait pu être différente. Mais ça demande des efforts et principalement du temps.  


Éthique, équité... On ne doit pas être les seules à les confondre ! Peux-tu nous expliquer les différences?  

C’est une question intéressante. L’équité fait référence à la justice. On peut qualifier l’équité en organisation comme étant la capacité d’offrir les mêmes options à tous. Par exemple, une politique de vacances sera bâtie en fonction de ce que l’organisation souhaite offrir comme conditions à ses employés, tout en se conformant aux normes du travail. Il serait toutefois inéquitable de déroger à la politique pour quelques personnes. Il faut aussi faire une différence entre l’équité et l’égalité. Il est évident que l’égalité n’est pas possible, par exemple en matière de rémunération : une personne pourrait gagner plus que son collègue parce que son rendement est meilleur. En autant qu’on respecte la politique de rémunération, on est équitable mais pas égal. C’est souvent mal communiqué dans les organisations et cela prête à confusion chez les employés qui y perçoivent une injustice.  

Petit cas pratique: Selon sa politique de CFT, une entreprise offre des horaires flexibles à ses employés, à la condition que les heures soient faites entre 7h et 18h pour faciliter l’organisation du travail. Par contre, une employée est vraiment plus sur son X lorsqu’elle travaille entre 12h et 22h. Est-ce éthique (et/ou équitable!?) d’accorder une permission spéciale à cette employée? 

Je dirais que cela dépend de pleins d’éléments! D’entrée de jeu, la réponse spontanée de la plupart des gestionnaires et des professionnels en ressources humaines serait : «la politique est claire, le travail doit être effectué entre 7h et 18h». Si on applique la politique à la lettre, nous sommes en conformité avec la règle. Nous pouvons affirmer que ce comportement est minimalement attendu d’une organisation et de ses gestionnaires. Nous comprenons que les politiques ont été réfléchies et répondent notamment à des valeurs d’équité et d’efficacité.  

Toutefois, il serait intéressant de prendre le temps de réfléchir à la demande. Je pense qu’il peut être décevant pour une personne qui fait une telle demande de se faire répondre tout simplement «non, la politique est claire». J’entends les gens qui lisent cet article réagir. Les politiques sont écrites pour être appliquées? Non?  

Oui bien sûr, mais une organisation qui se veut agile et qui souhaite répondre aux besoins de ses parties prenantes (ses employés, ses clients, ses membres, la société, ses actionnaires, etc.) doit ou peut prendre le temps de réfléchir à de telles questions. Elle pourrait peut-être passer à côté d’éléments importants. Pouvons-nous adapter la politique selon les différents postes dans l’organisation? Est-ce équitable si l’on octroie des dérogations à la politique? Comment pouvons-nous être agiles tout en assurant l’équité entre nos équipes de travail? 

Peut-être qu’après cette délibération, il faudra refuser d’accommoder l’employée mais nous pourrons lui expliquer les arguments et la réflexion qui a été faite. Je peux vous parier que la mobilisation sera plus grande que de répondre tout simplement «non, la politique est claire.» 

Si nous voulons des organisations responsables et éthiques, il ne faut pas craindre de se remettre en question. C’est plus long, mais c’est plus mobilisant.

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